Il était une fois… le projet avorté Volcania

Il était une fois… le projet avorté Volcania

Vous ne le savez peut-être pas, mais un parc sur le thème du volcanisme a bien failli voir le jour dans les années 80, bien avant Vulcania. Ce projet porté par Maurice Krafft, volcanologue mondialement reconnu, n’a pas vu le jour en raison du veto du Conseil Régional d’Auvergne, dirigé alors par Valéry Giscard d’Estaing.

Grâce aux archives de la Société Géologique de France, nous avons pu découvrir ce projet baptisé Volcania. En effet, le bulletin de sa section de volcanologie est revenu en détail sur ce projet en décembre 1989. Qui était derrière ce projet Volcania ? À quoi devait-il ressembler ? Pourquoi les pouvoirs publics se sont opposés à la construction de ce complexe ? Nous allons répondre à toutes ces questions !

Création d’une équipe pour concevoir le projet

La genèse du projet Volcania remonte à l’été 1986. À cette époque, Maurice Krafft rencontre Georges Monnet, le maire d’Orcines, et plusieurs responsables du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne. Son souhait : créer un musée moderne de volcanologie pouvant abriter sa collection privée. Le site qu’il convoite est le Puy de Dôme, seul volcan de France métropolitaine connu à l’étranger. Situé à seulement 15 km de Clermont Ferrand, il se trouve à un peu moins de 7 km du site actuel de Vulcania.

Le 25 mars 1987 est créée l’association Volcans, Nature et Hommes. Son objet est l’étude, la création, l’animation et la gestion d’un centre européen sur le volcanisme intégré dans le site de la chaîne des Puys. Elle est dotée d’un comité scientifique pluridisciplinaire composé de spécialistes dans le domaine de la volcanologie, de la physique expérimentale, de l’archéologie, l’écologie ou encore l’informatique. Maurice Krafft est nommé vice-président de l’association. Cette initiative est soutenue par Michel Hulin, directeur du Palais de la découverte à Paris.

Le 10 juillet 1987, une plaquette de présentation du projet est communiquée à Valérie Giscard d’Estaing, président du Conseil régional d’Auvergne et président du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne. Cette documentation contient une étude d’opportunité qui permet d’apprécier l’ampleur du projet Volcania. Le complexe, qui devait s’étendre sur un peu plus de 2 hectares, nécessitait un investissement initial entre 600 et 800 millions de francs (soit 156 à 208 millions d’euros). Les recettes annuelles étaient estimées à 10% de cet investissement. Sur le plan de la fréquentation, 450.000 visiteurs étaient espérés pour la première saison. Cette dernière devait grimper à 900.000 visiteurs au bout de 5 ans d’exploitation.

Volcania : voyage au centre d’un volcan

Ce projet de science-center est ambitieux ! Il se présente sous la forme d’un vaste complexe d’animation et de vulgarisation scientifique traitant d’une façon moderne et attrayante du volcanisme. La scénographie, imaginée par Maurice Krafft, s’inspire d’une idée de Pierre Jean-Baptiste Legrand d’Aussy qui, au XVIIIe siècle, imaginait creuser un cratère dans le Puy de Dôme pour y faire descendre des touristes. Cette mise en scène spectaculaire, conforme aux conceptions de muséologie internationale de l’époque, aurait dû permettre d’attirer un large public.

Reproduction du schéma de présentation du projet Volcania

L’infrastructure de Volcania devait être quasi intégralement souterraine, intégrée dans le flanc du Puy de Dôme. La visite se présentait comme une descente vers les profondeurs du globe simulée grâce à un ascenseur à vitesse ralentie. Durant ce trajet, les visiteurs auraient traversé les différentes couches de la structure interne de la Terre (la croûte terrestre, la lithosphère, le manteau et le noyau) avant de remonter jusqu’au sommet du Puy de Dôme.

Voici les animations et activités que les visiteurs auraient pu découvrir tout au long du parcours :

  • Un espace sur le thème du Big Bang et des planètes actives, présentant le volcanisme à l’échelle de notre système solaire après l’expansion initiale, composé d’un planétarium, d’un cinéma sphérique de type Géode Omnimax, des maquettes 3D et des diaporamas.
  • Une salle en couple permettant de découvrir la dynamique de la tectonique des plaques et l’influence des panaches mantelliques sur ce phénomène. Des projections lasers permettent de visualiser également la dérive des continents.
  • Reconstitution d’un tunnel de lave actif traversé par les visiteurs grâce à un monorail ou un trottoir roulant.
  • Des salles dédiées au volcanisme actif qui accueillent notamment un cinéma 3D relief (projection en 70 mm – technologie IMAX) et un cinéma dynamique à effets sensurround du constructeur Intamin.
  • Une série de salles traitant des éruptions effusives et explosives où devaient être installées des maquettes géantes en 3D.
  • Des salles sur la prévision des éruptions et l’actualité volcanologique (présentation par des automates), les volcans à travers le monde et des focus sur les volcans de France et d’Europe (monographies audiovisuelles).
  • Une salle sur les volcans d’Auvergne où les visiteurs devaient passer au-dessus d’une maquette géante de la chaîne des Puys, grâce à une nacelle.
  • Une simulation d’éruption volcanique grâce une série d’ascenseurs qui auraient conduit les visiteurs au sommet du Puy de Dôme, 450 mètres au-dessus des installations de Volcania.
  • Une salle panoramique pour observer, par tout temps, la chaîne des Puys.
  • Un accès vers les équipements sommitaux du Puy de Dôme : pôle archéologique, point de restauration, accueil touristique, activités sportives tel que le deltaplane ou le parapente, départ d’itinéraires balisés.
  • Un retour facultatif vers le centre de documentation (« Bienfaits et méfaits du volcanisme : mythes, croyances et religions », « Art et volcans », …).

Ces animations, qui s’appuient sur les nouvelles technologies de simulation et de communication, devaient permettre aux visiteurs d’être en immersion dans ce monde des volcans. Le temps de visite aurait oscillé entre 2 heures et une journée entière en fonction des publics (écoles ou touristes) ou une journée.

Sur le plan environnemental, le projet d’aménagement de Volcania prenait en compte deux facteurs antinomiques : la préservation d’un site touristique fragile (la flore, protection hydrogéologique, …) et un tourisme de masse. Les équipements devaient s’intégrer dans le paysage du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne. D’où l’idée de creuser le Puy de Dôme pour enfouir les installations.

Mais Volcania ne peut être réduit à son volet entertainment. En effet, ce projet avait également une forte dimension pédagogique vis-à-vis du public scolaire, très attiré par cette thématique. Une équipe d’animateurs-spécialistes compétents devait permettre de faciliter la transmission des connaissances. Des collaborations étaient envisagées avec des établissements scolaires pour l’organisation de sorties terrains, de visites organisées, de montages d’expositions temporaires, ….
Pour les professionnels (enseignants-chercheurs, ingénieurs, étudiants, éducateurs, journalistes, …), un centre de documentation nationale et internationale aurait dû voir le jour. Cette unité aurait été en liaison étroite avec les grands centres de recherche et de surveillance volcanologique (laboratoires, observatoires, universités) et les organismes d’information (médias scientifiques, agence de presse…).

Enfin, une fondation à but conservatoire (préserver et enrichir la collection des époux Krafft composée de 300 heures de films, 300 000 photos, 6 000 tableaux, …) et humanitaire (conception et réalisation de documents d’information pour la prévention des populations menacées par les éruptions).

Faire connaître le projet

Le projet est porté à la connaissance du grand public, entre août 1987 et août 1988, grâce à une vingtaine d’articles dans la presse régionale et nationale. Volcania concourt également au prix Essor, de la fondation Esso, dont le but est d’assurer la promotion de projets d’équipements touristiques et culturels régionaux.

En septembre 1988, un espace de présentation de 150 m² est installé au sein de la Foire Nationale de Clermont-Ferrand / Cournon. Plus de 30.000 personnes ont ainsi pu découvrir Volcania. Le mois suivant, le projet est mis à l’honneur lors de l’Assemblée permanente des Chambres de Commerce et d’Industrie.

En novembre 1988, un espace de présentation est installé au cœur du 1er Festival de l’Imaginaire, à la Maison des Congrès de Clermont-Ferrand. L’acteur américain Christopher Lee, de passage en France, visite le pavillon. Durant ce festival, Maurice Krafft donne deux conférences-débats pour présenter le projet.

La 4e édition du Carrefour Aérien du Tourisme, qui se déroule à l’aéroport de Clermont Aulnat, en février 1989, accueille à son tour le pavillon de présentation du musée.

En avril 1989, Volcania est mis à l’honneur lors du Forum national « Pleins Feux sur les Volcans », organisé par l’École des Mines de Paris à Fontainebleau.

Cet accueil positif est aussi partagé par la presse étrangère. La société de production australienne Beyond Productions, spécialisée dans la réalisation de documentaires scientifiques pour le marché anglo-saxon, est prête à envoyer une équipe de tournage si le projet se concrétise.

Le 6 septembre 1989 est organisée une journée de rencontre avec la direction du Futuroscope, seul parc à vocation scientifique et technologique en France.

Des oppositions trop fortes

Même si 2 Auvergnats sur 3 étaient favorables à Volcania, le projet a dû faire face à de nombreux détracteurs, notamment l’association SOS. Volcans. Cette dernière a pu compter sur le soutien proactif de l’éminent volcanologue Haroun Tazieff. Son jugement vis-à-vis du projet était très sévère, comme en attestent ces propos tenus dans un reportage d’Antenne 2 du 09 juin 1990 :

« On va faire du cinéma, au sens péjoratif du terme. On va faire un mauvais Disneyland pour amuser le bourgeois, pour amuser le touriste, pour amuser celui à qui on veut soutirer un maximum d’argent. L’aménagement du Puy de Dôme massacre l’environnement ».

Cette même année, face à la multiplication des oppositions au projet, Valéry Giscard d’Estaing prend position contre l’implantation de Volcania dans le Puy de Dôme. Ce dernier juge le projet incompatible avec la protection du site. L’équipe, constituée autour de Maurice Krafft, fait savoir qu’elle est prête à envisager la construction du science-center sur un autre site comme le Puy de Sarcouy, ou encore le Puy de Crouël.

Le 3 juin 1991, Maurice Krafft meurt emporté par une nuée ardente, sur les pentes du volcan Hunzen au Japon. Cet événement tragique marque un coup d’arrêt au projet Volcania, tel que je viens de vous le présenter. Dès l’année suivante, Valéry Giscard d’Estaing reprend à son compte l’idée de la création d’une attraction touristique d’ampleur internationale centrée sur le volcanisme.